Le débat sur les statistiques ethniques fait rage. Si la Grande Bretagne autorise des questions sur les "origines ethniques" de ces concitoyens lors des campagnes de recensement, ces requêtes sont interdites en France. Deux responsables d'associations opposent leurs arguments. Pour Patrick Lozes, du Conseil Représentatif des Associations Noires de France, les statistiques serviraient à révéler des discriminations, notamment dans le système éducatif et l'emploi. Dominique Sopo, de SOS Racisme, estime quant à lui, que la quantification de la discrimination n'est pas pertinente dans la lutte contre les inégalités. Il parle également du risque de repli communautaire, comme cela a pu être observé en Angleterre. A l'inverse, Patrick Lozes juge que dans aucun des pays qui autorisent le recensement ethnique et luttent contre les discriminations, le communautarisme n'a été renforcé.
Philosophes, juristes, sociologues, anthropologues se sont regroupés autour d'une commission alternative pour contrer le Comité de Yazid Sabeg le commissaire à la diversité, chargé par le gouvernement de mesurer la diversité et les discriminations. Jean Loup Amselle, anthropologue s'insurge contre cette "assignation à résidence identitaire". Pour Alain Foix, écrivain et philosophe, la manière dont est utilisé le mot "ethnie" ou le mot "diversité" cache une synonymie avec le terme "race" et induit déjà une discrimination. Pour la juriste Gwenaele Calves, les entreprises qui défendent "la diversité" sont celles-là même qui ont été le plus condamnées pour discrimination. Michel Giraud, sociologue, estime que ces démarches de comptage ethnique occulte complétement le problème du racisme.
Le journaliste Arnaud Boutet apporte des éclairages sur le cadre légal qui réglemente le fichage ethnique et religieux en France, notamment la loi du 6 mai 1978. Il évoque les pratiques et les enjeux des statistiques ethniques appliquées en Allemagne et en Grande-Bretagne. Il termine en citant deux études françaises qui ont eu l'autorisation exceptionnelle de la CNIL pour collecter des informations liées aux origines.
La Grande Bretagne et les Etats-Unis utilisent des statistiques ethniques afin de recenser et catégoriser leur population selon leurs origines géographiques, leur couleur de peau et leur religion. Au Royaume Uni ces données sont publiques et peuvent servir pour appliquer des quotas dans les entreprises ou les services publics. En France, la collecte de ce type de données est interdite, sauf exception et sous le contrôle de la CNIL, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés. Ce système peut générer des excès, comme aux Etats-Unis, où existent déjà 130 catégories "ethniques".
Samuel Thomas, vice président de SOS racisme et Patrick Simon de l'Institut National d'Etudes Démographiques opposent leurs arguments concernant les statistiques ethniques. Pour le premier, ce sont les systèmes discriminatoires qui doivent être analysés, et non le comportement des personnes issues de l'immigration ou des territoires d'Outre-mer. Le démographe, quant à lui, estime qu'il est impossible de faire respecter l'égalité sans statistiques et que la connaissance n'est pas dangereuse pour la société, au contraire. Sur la question de la récupération politique d'une telle enquête et la remise en cause du modèle républicain français, le vice président de SOS Racisme souligne que cela risque d'exacerber les revendications communautaristes. Il se dit choqué que l'état créer des "sous catégories de français", un principe défendu par l'extrême droite. Le chercheur de l'INED pense que les thèses d'extrême droite se construisent sur des fantasmes et que les statistiques sont une réponse fondée à opposer à leurs discours.
L'INED, l'Institut National d'Etudes Démographiques, met au point une enquête pour mesurer la diversité de la population française, sous la forme d'un questionnaire anonyme. Son auteur, Patrick Simon, chercheur à l'INED s'explique : les questions formulées pour déterminer l'origine ethnique ne doivent pas être dérangeantes ou violentes pour les enquêtés et doivent permettre de travailler sur les discriminations. Or établir des statistiques ethniques posent un certain nombre de problème éthiques que relèvent Alain Foix, philosophe et Samuel Thomas, vice-président SOS Racisme, détracteurs de cet outil. "Catégoriser les gens, c'est très dangereux... A Auschwitz, la première chose que l'on faisait, c'était de demander aux juifs de s'identifier et de se compter"